These shoes are made for walking
Mon Corps ne saurait rester impassible face à la situation actuelle dans le monde arabe.
A chaque situation hors de l’ordinaire : guerre civile, massacres, combats de rues,etc. (les occasions sont innombrables si on considère que j’ai passé vingt-sept années de mon existence au Liban et survécu à de nombreuses guerres auxquelles j’ai du m’adapter à chaque fois), je me suis vautrée dans mon fauteuil devant la télévision. J’ai regardé entre autres ce qui se passait et par ailleurs, des informations qui n’avaient rien à voir avec ces guerres. Je restais affalée des heures durant, voire des jours, même parfois des mois, m’enfonçant dans mon fauteuil jusqu’à faire partie intégrante du mobilier de la pièce que j’occupais. J’en oubliais le temps et l’espace, et mon corps se transformait en une machine à manger, boire et dormir.
Ce sentiment de paralysie m’a une nouvelle fois envahie au cours du « Printemps arabe » devant ce qui s’en est suivi comme engrenage de violence, de sang versé,de vies fauchées et d’oppression et devant la barbarie et la brutalité dont la Syrie est témoin en ce moment. À la différence que cette fois-ci une autre image est venue se greffer à ce sentiment : celle des corps se révoltant lors des manifestations comme s’ils dansaient » la Dabké « , cette danse populaire orientale, symbole du patrimoine folklorique de pays comme le Liban, la Syrie, la Palestine, la Jordanie, la Turquie et l’Irak et qui anime les fêtes, les cérémonies et les mariages. Les manifestants sont justement apparus comme s’ils étaient en lieu et place de ces «danseurs de Dabké ».
C’est précisément à partir du fauteuil et de la Dabké qu’a germé l’idée clé de cette performance, pour se ramifier ensuite en plusieurs autres, comme celle du soulèvement des femmes dans le monde arabe, ou encore le harcèlement sexuel durant les manifestations.
Il ne faut pas non plus oublier d’évoquer la variété, la différence, la contradiction et l’abus dans l’usage de l’expression » au nom de Dieu le Miséricordieux » indépendamment de l’orientation religieuse ou sociopolitique de celui qui profère, écrit ou de manière générale utilise la Bismillah. Cette dernière inaugure les listes des noms des martyrs, s’affiche en tête des alertes sur les sites bombardés et des repaires des francs-tireurs. Tantôt elle dénonce la violence et la mise à mort et tantôt elle appelle à la compassion. Elle revient invariablement dans tous les discours, qu’ils soient religieux ou non religieux et dans les discours communautaires,sur les lèvres de tous les acteurs, que ceux-ci soient inquiets ou indifférents face à ce qui se passe. C’est comme si cette phrase et plus particulièrement le mot Dieu représentaient désormais une arme destinée à protéger à la fois le tueur et la victime, l’oppresseur et l’opprimé, le croyant pratiquant et le croyant radical, les athées et les laïcs. These shoes are made for walking est donc né de ce foisonnement d’idées.
Conception, chorégraphie et mise en scène / Nancy Naous Interprètes / Dalia Naous et Nadim Bahsoun Musique / Composition originale Version 1 : Wael Koudaih / Composition originale Version 2 : Osloob et Pablo Szapiro Scénographie / Cynthia Zahar Création lumière / Hagop Der-Gougassian et Alexandre Vincent Costumes / Sidonie Floret Photos / Mohamed Charara et Ibrahim Dirani/Dar Al Mussawir. Production / Cie 4120.CORPS Coproduction / Arab Funds For Arts and Culture (AFAC) – Culture Ressource (Al Mawred Al Thaqafy )/ Young Arab Theatre Fund (YATF) / Ministère de la culture du Liban avec l’aide à la création et le soutien de Micadanses, Paris / Théâtre Al Madina, Beyrouth